nos futurs
Luminaires. Projet exposé dans le cadre
du festival « Design Parade 01 » à la Villa Noailles, Hyères.

               « Au-delà de l’utilisation de l’arme en tant qu’icône
graphique efficace pour définir l’esthétique branchée de ces
luminaires, ce qui interpelle dans cette création
de Jérôme Aich et de Samuel Misslen, c’est qu’une lampe
d’intérieur se formalise dans un objet symbole de la guerre.
        Une question se pose: le déclic de l’interrupteur d’une lampe
de chevet à Paris aurait-il un quelconque lien avec un conflit
politique à l’autre bout du monde ?
               En référence à la formulation du météorologue Edward
Lorenz qui demande en 1972 si « le battement d’ailes d’un papillon
au Brésil peut provoquer une tempête au Texas? », c’est en quelque
sorte l’effet papillon qui est ici appliqué à l’objet industriel par
la juxtaposition d’un effet et d’une cause possible. Une question
posée au concepteur, au producteur, au consommateur.
Ce n’est pas un principe de causalité déterministe et simplifié
qui est décrit à travers cet objet manifeste mais plutôt
une dimension complexe et embarrassante qui est révélée :
Derrière l’apparente innocuité de nos objets quotidiens, quel
chaos est généré par les conditions de leur existence,
de leur accession, de leur utilisation ? Quel désordre se cache
sous l’ordre apparent de nos usages et activités ordinaires ?
Quelle conscience avons-nous des impacts réels
de notre mode de vie?
                Le parti pris de l’utilisation exclusive de semi-produits
industriels et de pièces standard pour la fabrication de cette
série, est révélateur de l’inscription du propos dans
la production industrielle. De l’approvisionnement en matières
premières à la maîtrise des ressources énergétiques nécessaires
au développement de notre société de consommation,
les enjeux économiques colossaux participent évidemment
à la nature conflictuelle des rapports politiques internationaux.
Alors que signifie l’acte d’inscrire cette dimension dans l’objet
du quotidien : culpabilité reportée sur le consommateur ?
Aveu d’impuissance d’un état de fait ? Ou avènement d’une
future préoccupation du créateur industriel ?
« Nos futurs », le titre du projet porte en lui toute ces ambiguïtés
et se joue des maux. A la fois référence au slogan punk
de la fin des années 70 qui prône un positionnement assumé
face à un avenir sans espoir. Et en même temps interrogation
pour le designer, est-il possible d’intégrer les conséquences
sociales et politiques de ses artefacts ? [...] »

                — Stéphane Villard


Conception : Jérôme Aich, Samuel Misslen
Photos : Gwen Le Bras
2006

all rights reserved © deux-mille-vingt-quatre. fuga. Jérôme Aich. Magdalena Recordon. Paris. France